
Michel de Saintes

Entitées

Vous ainsi.
Votre visage dans mon bras lové,
petite vision brune,
Et vos yeux d'éclats interrogatifs,
petite vision brune.
Ta chair sous la chemise
joue à mes sens cet air et vous amuse,
petite vision brune
Et tes mains à mes doigts s'excusent
lors je goûte à vos lèvres cerises,
petite vision brune.
Ingénue génie, telle volupté
petite vision brune
Qui renferme en vous mon plaisir captif,
petite vision brune.
Extrait d'Entrelacs qui sont des poèmes inauguraux.


Quand une bulle
Quand sur la feuille
Déjà plus blanche
Là quand s’épanche
L’âme recueille
Premiers stigmates
D’encre et stylo
Tracent ces mots,
Mes doigts sans hâte
Forment bulle
Et s’envole
Toute folle
Traverse vibrante
La fenêtre et hante
D’entre les soupentes
Oh ! fragile et lente
La rue qui la tente.
Mais voici qu’erratique
Poussée par le vent
Elle s’arrête
Et repart,
Passe de la rue le coin
Puis là longeant l’avenue
D’un léger soleil goûte
Douceur la prenant toute.
Extrait du recueil "Une bulle, un jour ...", première application de mes éléments de prosodie.


Poète, écoute-moi
Combien triste, mais violente
Est cette longue litanie
Qu’ici j’arrête par la présente
Car trop s’en serait la manie
D’un vieil homme reclus
Qu’à jamais il serait,
Comme si tout perclus
De douleurs, gémirait.
Toi le poète, écoute-moi :
De deux, quatre, de huit et seize,
Je cherche à te mettre en émoi,
Que tu comprennes ce que pèse
Tous ces nombres là d’équilibre,
Symétrie ou stabilité.
Qu’ici il n’est point de vers libre,
Voilà donc pour cette entité.
Mouvement
Pour trois, cinq et sept,
Onze et treize,
Je te jure et ne mens
Ce n’est pas histoire d’ascète
Mes rimes en sont ornement.
Pour le vers libre
Laissons faire le hasard
Bien que la syntaxe s’y mêle
Et l’orthographe aussi,
Comme quoi ce n’est pas tout à fait l’anarchie.
Extrait de "Définitivement".
Et quelques autres poèmes:
Un jour à Saint-Jean de Luz.
Un jour, que dis-je, une soirée
de coucher de soleil sur la baie,
nous étions là, dînant dans
ce restaurant la dominant.
Rougeoiements sur fond d’eaux
et de ciels encore à fleur de peau,
oui car si légers que leurs bleus
et leurs verts frangés et peureux
fuyants sous le soleil déclinant
comme leurs écumes et vents
qui, en ce bon soir de septembre,
accompagne ce vin d’ambre
en nos verres et notre discussion
tourne et tourne autour de la passion
à nous en saouler de cette grâce
qui à notre pays nous enlace.
Médiévalement vôtre.
Je vois sous la lumière ce visage
penché
Là, sur votre ouvrage, assidu,
détendu.
Devant si immense, l’armoire
patinée
Sise sur ses gros pieds, du
Périgord, issue
Je vous vois derrière la grande
cheminée
À colonnes, beige, ombrée, salle
cossue.
La pâle lumière des vitraux
colorés
Inondant la table, en feuilles
circonvolue.
Tel ce très svelte hérault en la
tapisserie
Tendue au fronton de l’âtre de
suie noircie
Écoutant, assise au léger clavecin
dame
Claude, que ne suis-je le vôtre
Tant maladroitement je suis ce
bon apôtre
Qui, pieds dans le tapis, lui
déclare sa flamme.

Soleil couchant
Soleil couchant, rouge horizon
La presqu’île du Cap-Ferret
Sombre filet tout incendié
S’étend lasse de tout son long
La lourde étoile descend
Par les pins demi-masquée
Dans son subtil mouvement
D'azur est la voûte céleste
Déjà un peu sombre à l’Ouest
Mais lumineuse et très profonde
Colore d’un bleu métal l’onde
La mer s’agite les vagues
Ondulent sous la jetée
L’enserrant comme une bague
Je suis appuyé dans la brise
Pins, tamaris, font une frise
À la plage devenue sombre
Faisant écho à un Est d’ombre
Mais brumes en altitude
Se colorent d’indigo
Donnant à l’eau couleur rude
Le soleil s’est alors couché
Mais je le sais la terre tourne
Sur elle-même tête tourne
Tout ivre allons nous coucher.
