
Michel de Saintes

Une bulle, un jour ...
Ce sont ici poèmes qui sont éclairés par mes "Eléments de prosodie" inspirés eux-mêmes de mes recherches de mathématiques. Le principe en est simple et vous pourrez le découvrir dans la page prosodie.
Quand une bulle
Quand sur la feuille
Déjà plus blanche
Là quand s’épanche
L'âme recueille
Premiers stigmates
D’encre et stylo
Tracent ces mots,
Mes doigts sans hâte
Forment bulle
Et s’envole
Toute folle
Traverse vibrante
La fenêtre et hante
D’entre les soupentes
Oh ! fragile et lente
La rue qui la tente
Mais voici qu’erratique
Poussée par le vent
Elle s’arrête
Et repart,
Passe de la rue le coin
Puis là longeant l’avenue
D’un léger soleil goûte
Douceur la prenant toute.
Quand le soir est passé
Quand le soir est passé
Qu’après sous la lampe avoir potassé
Je m’étends
Cultivant alors cet instant propice
J’écoute mon corps et le sang battant
À ma tempe et lors sensation factice
À mon front se dépose
Une fraîcheur comme une ombre se pose
La colombe
Douce pacifique et fragile oiseau
La brise de son aile en mon front tombe
Et là fait frémir le grain de ma peau.
Sous mon beau ciel d’été
L’infini des cieux profonde entité
Offre à ma prière
Le doux écho d’un vaste bruissement
Dieu imperceptible et par la rivière
De la pensée mon âme vrai roman
Au fil de l’eau s’ébat
Au moindre frémissement se rabat
Et quand je sommeille
J’écoute le bruit du grand univers
Et presqu’en m’endormant l’état de veille
Privilégié moment poudre d’asters
Absence du sommeil
Lors vers trois heures ce n’est plus pareil
Car le rêve
Immanquablement va se constituer
Quand sur l’écran de ma bulle et sans trêve
Défilent images à situer
Dans un monde onirique
Ciselé comme une fresque biblique
Oh ! couleurs
Vous illuminez ma nuit de tableaux
Ostensiblement tirés par bonheur
Des circonvolutions de mon cerveau.
Un chant ?
Ce chant qu’à travers mon art poétique
Obstinément je recherche,
Ce chant qui conjurant le maléfique
Sur la beauté se perche,
Ce chant pour l’âme
Ne demande qu’une épopée
Pour se doper
Et en être l’épithalame.
Faut-il qu’alors nouvelle naissance
À un art ancien se substitua ?
Faut-il qu’alors nouvelle aisance
Dans le complexe se situa ?
Faut-il une révolution ?
Au-delà est bien le mot,
Du nouveau c’est le lot
Mais point n’est biffant l’ancien
Qu’il fait plutôt sien
Ce qui me direz-vous
Est nouveau rendez-vous.
Un modèle est épuisé
Qui dans la mort lui se complait
Et par épure nie la réalité.
Un modèle est épuisé
Aveugle ne voyant que le laid
Lui dire son fait je l’ai tenté.
Mais n’étant point naïf
Au beau faisons sa place
Et que les deux s’enlacent
Puis n’étant pas rétifs
Menons-les en notre besace
Dans de nouveaux espaces
Où ils ne seront point captifs.
Et pour que sa place trouve l’espoir
Pour qu’en un déséquilibre
Naisse là le mouvement
Il ne faut peindre tout en noir
Et laisser vibrer la fibre
De lumière élégamment.
Puis un chant s’épanouira
Une nouvelle renaissance
Le siècle épousera
Et qu’alors avec aisance
De France s’envolera.
Tant d’autres
Rue Vaugirard
Le long des grands immeubles
Jusqu’où va le regard,
Sur les trottoirs que meublent
Les passants dans leur bulle
Que seule crève
Une mère parlant à son fils.
Ils vont là énigmatiques
Comme engoncés dans leur rêve
Et de leur pas élastique
Croisent l’ignorant
La si jolie bulle délice
Irisée du pâle soleil
Qui d’avec son rayon vermeil
Chauffe le clochard adossé
Au grand mur de pierre dressé.
Se saluent
Les habitués du quartier
D’un mot élu
Mais aussi d’un sourire entier.
Voilà donc quelques extraits de ce recueil qui donne une nouvelle façon de voir le travail poétique en ne biffant pas la rime ni la métrique. Bien sûr, c'est ici sous-jacent et il faudrait quelques explications pour chaque poème.
Vous pouvez les trouver en allant sur la partie poétique du site:
http://oscfract.free.fr
avec l'intégralité du recueil.
Théâtre de rue
Les deux clochards au doux soleil,
Leur mol habit tout chiffonné,
Interpellent non un pareil
Mais le passant tout étonné.
Tel un auteur sans scène,
Déséquilibré,
Heureusement assis,
Le langage libéré.
Interpellent un couple âgé,
Main dans la main,
C’est un amour piégé.
Lui, pantalon noir et escarpin,
Sombre est sa mise ;
Elle, jupe beige et courte cape,
Élégante et précise,
Souriante malgré satrape.
Attirent leur attention
Alors que gronde un camion,
Très pressée, une maman,
Djeans et bottes, en manteau noir
Et l’enfant dormant comme un loir.
Apparaît un autre personnage
Une jeune Eve, un amour,
Et fort élégante en corsage,
En collants et short de velours :
Ils sont noirs comme ses bottines.
Elle sourit chevelure au vent
Répondant aux piques mutines,
S’enfuit devant le couvent.
En salopette verte
Nos balayeurs des rues
Avec nos clochards dissertent,
Et tout au long des avenues
Balancent leurs balais
Au hasard des déchets.
Deux jeunes amoureux
Dans une bulle réunis,
Lui, le froc pendant,
Elle, une longue écharpe,
Se tiennent enlacés
Dans le désordre de leurs pensées,
S’emmêlent presque les pieds
Quitte à s’estropier ;
Alors nos deux hommes sifflent.
Une vieille dame
L’église sonne par bonheur.
Dame à la chevelure grise
Doucement avance et peur,
De tomber l’a bien prise.
Sur sa canne alors s’appuyant
Traîne ses mânes lourdement
Quand d’un œil triste elle regarde
De sa bulle l’intérieur,
Comme si, inquiète, par mégarde,
Elle la crevait par malheur.
Dame lance pauvres regards.
Porte en ses chaussures, chaussette
Peu élégante à tous égards,
Et jupe informe peu coquette.
Mais alors à qui faut-il plaire ?
Et que vraiment peut-on y faire ?
Elle porte une cape brune
Car elle a froid quand le vent souffle,
Elle est ridée comme une prune,
D’un long cache-nez s’emmitoufle.
Doucement avance et la peur
En sa vie est bien engoncée,
Mais à l’église par bonheur
Quand la prière prononcée
Elle s’échappe, vibration
Du chant, folle giration,
Monte divine croyance.
Complice d’un Dieu surhumain
Mais chante comme en son enfance,
Alors a retrouvé l'humain.